Lonnie Brooks

Lonnie Brooks Lonnie Brooks
huile-toile, 41x33

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Dégaine texane, moiteurs swamp et artillerie West Side. C’est à ce cocktail original que Lonnie Brooks doit de s’être imposé, autour des années 80, comme l’un des rénovateurs du son de Chicago. Il faut dire que son « voodoo blues » – un dosage inédit de boogie cajun, de twang countrysant et de blues à danser – après avoir pris le temps d’infuser au long d’une mise en route un brin sinueuse, s’est révélé être, le moment venu, un solide reconstituant.

C’est à travers le haut parleur criard d’un marchand de glace ambulant que le jeune Lee Baker découvre pour la première fois le blues en général et Lightnin’ Hopkins en particulier.

Elevé au son d’un banjo dixieland (celui de son grand-père), dégrossi par le roi du zydeco (Clifton Chenier), il passe d’abord par la case rock bayou. Entraîné à Chicago par une icône gospel (Sam Cooke), c’est d’abord dans les soirées interlopes de la pègre locale qu’il fourbit ses armes et dans les clubs du quartier sud qu’il découvre un blues qui ne va, dès lors, plus le lâcher.

Quand Lonnie Brooks pointe sa guitare repassée au bleu, on est juste au cœur des années 60, en pleine embellie du flanc ouest de la ville. Un sacré défi. La scène locale est brillamment occupée par une génération flamboyante: Otis Rush, Magic Sam, Junior Wells, Little Walter

Pourtant, presque d’un coup, quoique de manières diverses, ces héritiers désignés vont tour à tour se consumer dans le feu d’artifice qu’ils ont allumé. Le seul rescapé, Buddy Guy, se trouve lui aussi, bien que seulement momentanément, empêtré dans le raz de marée blues anglais en train de vampiriser méthodiquement les faubourgs de Chicago. La résistance américaine commence tout juste à s’organiser autour d’un label, Alligator, et de quelques modernistes. La chance de Lonnie sera d’être de ceux-là.

Il faut pourtant attendre 1978, et une apparition remarquée dans une compilation justement imaginée par Bruce Iglauer, le patron d’Alligator, pour que Lonnie Brooks émerge du lot. Son premier, et meilleur, album sort dans la foulée. “Bayou Lightning” rassemble autour de la guitare énergique et du chant corsé de Brooks tous les ingrédients accumulés par celui-ci chemin faisant : des pianos louisianais accostés par des cuivres trempés dans les fourneaux de Memphis et talonnés de près par des rythmiques d’une épaisseur quasi rockeuse. De quoi dissiper les vapeurs de naphtalines qui menacent la légende de Chicago.

Dans sa composante blues, devenue progressivement dominante, le jeu de Lonnie Brooks emprunte à Long John Hunter autant qu’à B.B King. Mais il a aussi retenu de Magic Slim et d’Albert King l’usage subliminal du bend court et un peu de cette manière de graisser la note. Quant à sa voix, chaude et enveloppante, servie par un vibrato soutenu, elle raconte des histoires de gris-gris, de chats noirs et d’attirances irrépressibles. Le résultat est toujours énergique, souvent irrésistible.

Le « bayou boogie man » s’est très tôt imposé comme un showman terriblement efficace. Sa réputation de faiseur d’ambiance est solidement établie et, même si ses albums se sont un peu empâtés avec le temps, il continue de porter brillamment le feu et de mettre régulièrement les salles sans dessus de dessous.

Depuis quelques années ses fils ont entrepris la relève, et c’est donc souvent sous l’enseigne « Brooks Family » qu’on peut désormais entendre ce blues débridé qui emprunte autant aux ambiances festives de la Nouvelle Orléans qu’aux atmosphères fièvreuses des bas quartiers de Chicago.

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